Loi du 14 mars 1941
relative à l'allocation aux vieux travailleurs salariés
- Nous, Maréchal de France, chef de l'Etat français,
- Le conseil des ministres entendu,
Décrétons :
Titre 1er
Allocations aux vieux travailleurs salariés.
Article 1er
§ 1 - Il est accordé une allocation aux travailleurs français sans ressources
suffisantes, âgés de soixante cinq ans ou plus, qui justifieront :
a) Soit qu'ils occupaient, à la date de promulgation de la présente loi, un emploi
salarié ou assimilé au sens du paragraphe 3 de l'article 1er du décret-loi du 28
octobre 1935 modifié ou des paragraphes 3 et 4 de l'article 1er du décret loi du 30
octobre 1935, leur ayant procuré une rémunération normale ;
b) soit qu'à la date de demande de l'allocation, ils bénéficieraient de l'aide
aux travailleurs sans emploi dans les conditions de l'article 7 de la loi du 11 octobre
1940 ;
c) Soit qu'ils aient occupé, après avoir atteint l'âge de cinquante ans et pendant
une durée supérieure à cinq ans un emploi salarié ou assimilé et sous réserve que
cet emploi ait constitué leur dernière activité professionnelle.
§ 2 - L'allocation peut être également accordée aux travailleurs français âgés
de soixante ans ou plus, remplissant les conditions de l'alinéa c du paragraphe 1er et
qui seront reconnus inaptes au travail par une commission régionale instituée à cet
effet.
Il pourra être fait appel des décisions de la commission régionale devant une
commission nationale fonctionnant auprès du secrétaire d'Etat au travail.
Article 2
§ 1er - Les personnes appartenant aux catégories visées à l'article 1er ne peuvent
bénéficier de l'allocation que si elles prennent l'engagement provisoire de ne se livrer
dès le versement du premier arrérage à aucun travail salarié ou assimilé.
§ 2 - Toutefois, elles bénéficieront des dérogations qui seront accordées, pour
des travaux agricoles ou d'artisanat rural, dans les conditions fixées par arrêtés du
secrétaire d'Etat au travail et du secrétaire d'Etat à l'agriculture.
Article 3
§ 1er - Le taux de l'allocation est fixé à 3 600 francs par an.
§ 2 - Toutefois, les bénéficiaires appartenant aux catégories visées aux alinéas
a et b de l'article 1er recevront, pendant un délai d'un an, une allocation
complémentaire de 1 600 francs, s'ils justifient avoir résidé au cours des trois mois
précédant la promulgation de la présente loi à Paris ou dans les communes de Seine et
Oise, assimilées conformément au classement effectué par l'arrêté prévu par
l'article 14 du décret du 29 juillet 1939.
§ 3 - Le service de l'allocation complémentaire est prolongé sans limitation de
durée pour les bénéficiaires qui quitteront la région parisienne pour établir
définitivement leur domicile dans une commune de moins de 2 000 habitants.
§ 4 - Si deux conjoints ont droit simultanément à l'allocation, celle de la femme
est réduite de moitié. Il en est de même dans le cas visé au paragraphe 3.
§ 5 - L'allocation est majorée de 1 000 francs par an pour le conjoint à la charge
du bénéficiaire, ainsi que des allocations familiales et des allocations de la mère au
foyer pour les enfants à charge, dans les conditions fixées par le décret du 29 juillet
1939 et les textes qui l'ont modifié.
Il est accordé une bonification de 500 francs aux bénéficiaires de l'allocation
ayant eu cinq enfants ou plus.
§ 6 - Les arrérages de l'allocation sont payés trimestriellement et à terme échu,
aux dates fixées par un arrêté du secrétaire d'Etat au travail.
Article 4
§ 1er - Lorsque le bénéficiaire de l'allocation occupe de nouveau un emploi salarié
ou assimilé, le service de l'allocation est suspendu à partir de la première échéance
d'arrérages qui suit le retour au travail et ne peut reprendre qu'à partir de
l'échéance suivant la cessation du travail.
§ 2 - A partir du 1er juillet 1941, les dispositions de la loi du 11 octobre 1940
relatives au placement des travailleurs sans emploi ne seront plus applicables aux
personnes âgées de soixante-cinq ans ou plus.
Article 5
§ 1er - L'allocation n'est pas accordée aux travailleurs qui jouissent déjà d'une
pension ou d'une retraite obtenue en vertu d'un régime légal ou réglementaire visé aux
articles 23 et 42 (§ 3) du décret-loi du 28 octobre 1935.
Des décrets ultérieures apporteront aux régimes ci-dessus visés les aménagements
nécessaires pour donner à leurs bénéficiaires des avantages correspondants à ceux
prévus par la présente loi.
§ 2 - L'allocation accordée aux travailleurs visés au paragraphe 2 de l'article 1er
est confondue avec la retraite ou pension dont ils pourraient jouir au titre de la
législation sur les assurances sociales ou les retraites ouvrières et paysannes.
Article 6
§ 1er - L'allocation n'est due que si le total des ressources personnelles du
travailleur, de quelque nature qu'elles soient, et de l'allocation n'excède pas 9 000
francs. Cette somme est portée à 11 000 francs lorsque le travailleur est marié.
§ 2 - Lorsque le total de l'allocation et des ressources personnelles du travailleur
dépasse ces chiffres, l'allocation est réduite en conséquence.
§ 3 - Les fausses déclarations, en vue de bénéficier ou de faire bénéficier une
personne de l'allocation prévue au présent titre sont passibles des peines prévues à
l'article 408 du code pénal.
§ 4 - Le travailleur est tenu de faire connaître, sous peine des sanctions prévues
au paragraphe précédent, les changements survenus dans ses ressources, impliquant la
réduction ou la suppression de l'allocation.
Article 7
En vue d'améliorer les conditions d'existence des vieux travailleurs par leur
établissement à la campagne, des décrets rendus sur la proposition du secrétaire
d'Etat au travail, du secrétaire d'Etat à l'agriculture, du secrétaire d'Etat à
l'économie nationale et aux finances fixeront les avantages qui seront accordés aux
bénéficiaires de l'allocation quittant les villes de plus de 50 000 habitants et les
localités qui seront assimilées à ces villes par arrêté du secrétaire d'Etat à
l'économie nationale et aux finances et qui changeront de domicile pour s'établir dans
une commune de moins de 2 000 habitants, à l'exclusion des communes assimilées à Paris,
en vertu de l'arrêté prévu à l'article 14 du décret du 29 juillet 1939. Ces avantages
pourront comprendre une indemnité représentative des frais de déménagement et
d'installation.
Article 8
Le secrétaire d'Etat au travail est chargé d'assurer l'application du présent titre
et notamment la liquidation des allocations.
Titre II
Modifications aux pensions de vieillesse du régime général des
assurances sociales.
Article 9
§ 1er - Les retraites et pensions de vieillesse des assurances sociales sont
constituées sous le régime de la répartition.
§ 2 - A dater du 1er janvier 1941 les dispositions de l'article 11 (§ 2) du
décret-loi du 28 octobre 1935 et de l'article 8 (§ 1er) du décret-loi du 30 octobre
1935 cessent d'être applicables.
Toutefois, les rentes déjà inscrites aux comptes individuels restent acquises aux
intéressés.
Article 10
§ 1er - Les assurés sociaux obligatoires de l'industrie et du commerce, âgés de
plus de cinquante ans au 1er janvier 1941, auront droit, à soixante ans, à une pension
ou à une retraite liquidée dans les conditions ci-après.
§ 2 - Pour les assurés qui auront rempli depuis le 1er juillet 1930 et jusqu'au 31
décembre 1935 les conditions prévues au paragraphe 2 de l'article 15 de la loi du 5
avril 1928 modifiée et qui auront subi chaque année, à compter du 1er janvier 1936, une
retenue sur leur salaire, au moins égale à 60 francs, la pension de vieillesse est
égale à autant de soixante-quinzièmes du salaire moyen résultant des cotisations
versées qu'il y a de retenues annuelles sans que le taux de la pension puisse être
inférieur à 600 francs.
§ 3 - Les assurés qui n'auront pas rempli les conditions prévues au paragraphe 2 du
présent article ont droit, en sus des rentes inscrites à leur compte individuel arrêté
conformément à l'article 9, à une retraite égale au quart du total des versements
effectués pour l'assurance vieillesse depuis le 1er janvier 1941.
Article 11
§ 1er - Les assurés sociaux obligatoires des professions agricoles, âgés de plus de
cinquante ans au 1er janvier 1941, auront droit, à soixante ans, à une pension ou à une
retraite liquidée dans les conditions ci-après.
§ 2 - Pour les assurés qui auront rempli depuis le 1er juillet 1930 et jusqu'au 31
décembre 1935 les conditions prévues au paragraphe 2 de l'article 15 de la loi du 5
avril 1928 modifiée et qui justifieront de versements annuels au titre de
l'assurance-vieillesse, atteignant pour chaque année à partir du 1er janvier 1936 au
moins 100 francs, pour les hommes et 60 francs, pour les femmes, la pension de vieillesse
est égale à autant de fois les deux tiers de la cotisation annuelle moyenne versée au
titre de l'assurance-vieillesse qu'ils comptent d'années de versements, sans que le taux
de la pension puisse être inférieur à 600 francs.
§ 3 - Les assurés obligatoires agricoles qui n'auront pas rempli les conditions
prévues au paragraphe 2 du présent article ont droit, en sus des rentes inscrites à
leur compte individuel arrêté conformément à l'article 9, à une retraite égale au
quart du total des versements effectués pour l'assurance vieillesse depuis le 1er janvier
1941.
Article 12
Les droits des assurés sociaux obligatoires âgés de moins de cinquante ans au 1er
janvier 1941 seront ultérieurement établis dans le cadre d'un régime de répartition,
compte tenu des dispositions du paragraphe 2 de l'article 9, sans qu'en aucun cas, le
montant de leur pension de vieillesse puisse être inférieur au taux de l'allocation
prévue par le titre 1er de la présente loi.
Article 13
Les assurés sociaux obligatoires peuvent, à l'âge de soixante-cinq ans, demander la
révision de leur pension afin de bénéficier d'une pension égale à l'allocation
prévue à l'article 3, majorée d'une somme égale aux rentes inscrites à leur compte
individuel arrêté conformément à l'article 9 et du dixième des versements effectués
pour l'assurance vieillesse depuis le 1er janvier 1941. Toutefois, le bénéfice de la
pension ainsi définie ne peut leur être accordé que s'ils prennent l'engagement prévu
à l'article 2.
Article 14
Les assurés sociaux obligatoires, âgés de plus de soixante-cinq ans, dont la pension
de vieillesse aura été liquidée antérieurement à la mise en vigueur de la présente
loi et qui prendront l'engagement prévu à l'article 2, pourront obtenir l'allocation
prévue à l'article 3 en sus des rentes provenant de leur compte individuel. Ladite
allocation se substituera, le cas échéant, au complément de pension auquel ils avaient
droit.
Article 15
L'allocation et la bonification accordées par l'Etat aux assurés obligatoires de la
loi du 5 avril 1910 sur les retraites ouvrières et paysannes sont remplacées par
l'allocation prévue à l'article 5 de la présente loi pour les retraités qui prennent
l'engagement prévu à l'article 2.
Les dispositions des paragraphes 2 à 6 de l'article 3 sont applicables à ces
retraités.
Article 16
Un décret pourra suspendre l'application à de nouveaux bénéficiaires des
dispositions du titre 1er et des articles 13, 14, et 15 au cas où la situation
économique ferait apparaître qu'un accroissement de la main-d'oeuvre nationale est
indispensable et nécessite le concours de vieux travailleurs.
Titre III
Dispositions diverses
Article 17
Les salariés âgés de soixante ans ou plus restent soumis aux dispositions de la
législation sur les assurances sociales lorsqu'ils continuent de travailler, même si
leur retraite de vieillesse est liquidée ou en instance de liquidation.
Article 18
Le montant des allocations, pensions ou retraites allouées en vertu de la présente
loi est arrondi au multiple de 4 francs immédiatement supérieur.
Article 19
A partir du 1er avril 1941, les cotisations des assurances sociales sont calculées sur
le salaire réel, sauf en ce qui concerne les assurés agricoles et les travailleurs
soumis au régime des cotisations forfaitaires.
Article 20
Les étrangers ne peuvent se prévaloir des dispositions du titre 1er de la présente
loi.
Ils bénéficient des pensions prévues aux articles 10 et 11 de la présente loi;
Article 21
Des arrêtés du secrétaire d'Etat au travail, du secrétaire d'Etat à l'économie
nationale et aux finances détermineront les modalités d'application de la présente loi.
Article 22
Sont abrogées toutes dispositions contraires à la présente loi, qui prendre effet au
1er janvier 1941.
Article 23
Le présent acte sera publié au Journal Officiel et exécuté comme loi de l'Etat.
Fait à Vichy, le 14 mars 1941.
Par le Maréchal de France, chef de l'Etat français,
P. Pétain
Le secrétaire d'Etat au travail,
René Belin
L'amiral de la flotte, vice président du conseil,
ministre secrétaire d'Etat aux affaires étrangères et à l'intérieur
Al. Darlan
Le ministre secrétaire d'Etat à l'économie nationale et aux finances,
Yves Bouthillier
Le secrétaire d'Etat à la production industrielle,
Pierre Pucheu
Le ministre secrétaire d'Etat à l'agriculture,
Pierre Caziot.