
Conseil d'Etat du 06/02/1951, sur consultation du Ministre du travail
AVIS
Le Conseil d'Etat (Section sociale), consulté par le. Ministre du Travail et de la
Sécurité Sociale, au sujet de l'application du secret professionnel aux organismes de
Sécurité Sociale, sur les questions de savoir :
- quelles personnes, dans ces organismes, sont tenues à ce secret ;
- quels renseignements y présentent un caractère secret ;
- à qui le secret professionnel est opposable par lesdits organismes ;
- s'il peut être opposé par les administrations publiques aux organismes dont il s'agit
Vu l'article 378 du Code pénal ;
Vo l'article 13 de la loi n° 2294 du 19 octobre 1946 ;
Vu les articles 1382, 1383 et 1384 du Code civil ;
En ce qui concerne la première question :
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 378 du Code pénal et de la
jurisprudence. que le personnel des organismes de Sécurité Sociale, lesquels gèrent un
service public, sont tenus au secret professionnel et que cette obligation s'impose, non
seulement aux agents salariés desdits organismes, mais aussi à leurs administrateurs,
qui remplissent des "fonctions"), visées audit article ;
En ce qui concerne la deuxième question ;
Considérant que d'après la doctrine et la jurisprudence, les renseignements
présentant un caractère secret sont ceux qui se rapportent à des faits confidentiels
par leur nature ou confiés sous le sceau du secret que les agents des services publics
ont connus en raison de leurs fonctions ; qu'en outre l'obligation du secret
professionnel, pour ces agents, n'est pas absolue, à moins de dispositions spéciales, et
n'a été, en général édictée que par égard pour les particuliers ; que, d'autre
part, la divulgation d'un secret, qu'elle soit ou non constitutive du délit prévu à
l'article 378 du code pénal, peut, lorsqu'elle cause un dommage donner lieu à une action
en responsabilité civile ;
Considérant que, compte tenu de ces principes les renseignements relatifs à
l'activité des organismes de Sécurité Sociale et à leurs réalisations sociales
peuvent être révélés : que la même réponse ne peut pas être faite d'une façon
absolue pour les renseignements relatifs au domicile et à la profession actuelle ou
antérieure des employés ou des employeurs, donc la divulgation ne doit avoir lieu
qu'avec le consentement des intéressés ; que, par contre, entrent dans le fonctionnement
normal du service public les communications portant sur les prestations servies aux
assurés, lorsqu'elles sont demandées par un service qualifié en vue de l'appréciation
d'un droit ; que doivent être regardés comme secrets les renseignements relatifs aux
cotisations dues par les employeurs, dont la situation financière peut être compromise
par leur divulgation, et qu'en raison de leur caractère commercial ou industriel on ne
peut traiter différemment à ce point de vue les entreprises nationalisées ; qu'une
solution identique doit être adoptée pour les renseignements d'ordre médical ou social
détenus à l'égard des intéressés par les organismes dont il s'agit, le secret
médical notamment, étant, en règle générale, absolu ;
En ce qui concerne la troisième question :
Considérant qu'il résulte des principes sus rappelés et en particulier de la
distinction imposés aux agents des services publics, que le secret professionnel est
opposable à toutes les personnes privées, morales ou physiques, réserve faire des
indications sur l'activité et les réalisations sociales des organismes de Sécurité
Sociale qui peuvent être données même à leurs électeurs par les administrateurs de
ces organismes ;
Considérant par contre, que tous ces organismes et les agents de chacun d'eux
participant à un même service public, les uns et les autres ne sauraient refuser, dans
leurs rapports administratifs de se communiquer les renseignements qu'ils possèdent ;
Considérant d'autre part, qu'en dehors d'une disposition spéciale, les
administrations publiques peuvent. pour l'accomplissement de leur tâche, obtenir des
organismes de Sécurité sociale !es renseignements, qui ont été regardés comme ne
présentant pas un caractère confidentiel ;
Considérant enfin que le secret professionnel ne peut être opposé à l'autorité
judiciaire exerçant l'action pénale et agissant notamment par voie- de commission
rogatoire : que toutefois les renseignements d'ordre médical ou racial ne peuvent pas
être fournis, sauf le droit, pour l'autorité par voie de perquisition, les pièces ou
documents où ils figurent :
En cc qui concerne la quatrième question :
Considérant que les mêmes principes étant applicables aux diverses administrations
publiques, sauf dans le cas. où des dispositions particulières imposent à certaines
d'entre elles des obligations plus rigoureuses, ces administrations doivent, même en
l'absence de texte le leur prescrivant, communiquer aux organismes de Sécurité Sociale,
en vue de l'exécution du service public dont ils sont chargés, les renseignements par
elles détenus qui ne présentent pas un caractère confidentiel d'après les indications
ci-dessus ;
EST D'AVIS
qu'il y. a lieu de répondre aux questions posées dans le sens des observations qui
précèdent.
Signé ANDRIEUX, Président,
DESFouGERES, Rapporteur,
A. RIDET, Secrétaire.